hommage - Frédérick Leboyer, le père de la naissance sans violence, est mort

Le Dr Frédérick Leboyer est mort le 25 mai dernier à l’âge de 98 ans. Son ouvrage Pour une naissance sans violence, paru en 1974, a bousculé le corps médical et lentement fait changer le regard porté sur l’enfant naissant dans le monde occidental. L’équipe du magazine L’Enfant et la Vie l’a rencontré quelques mois avant son décès.

Au début de sa carrière, après la Seconde Guerre mondiale, Frédérick Leboyer est un obstétricien classique. Mais, au tournant des années 1970, alors qu’on commence à parler de l’accouchement sans douleur, il se met à regarder avec attention l’enfant qui naît. La souffrance de celui-ci lui saute soudain aux yeux.

A une époque où la médecine affirme sans ciller que les bébés n’ont pas de conscience et les opère sans anesthésie, Frédérick Leboyer renvoie aux médecins accoucheurs, aux sages-femmes, aux parents même, un miroir sans concession : « Ça, une naissance ? C’est un assassinat ! » Point besoin d’études scientifiques pour s’en persuader : pour lui, il suffit d’ouvrir les yeux et les oreilles, de voir le visage et les poings du nouveau-né crispés de souffrance et d’entendre ses hurlements.

Il prône et se met à pratiquer un accueil « sans violence », dans « la pénombre, le silence, le recueillement ». Il insiste pour que le bébé soit immédiatement posé sur le ventre de la mère : la pesée, les mesures et autres examens peuvent attendre. Il suggère de lui donner un bain, non pour le laver, mais pour lui faire « goûter une tiédeur toute pareille au ventre maternel ». La grande majorité du monde médical s’indigne alors de ce petit livre à l’effet coup de poing. Mais son retentissement est immense : il est traduit en une trentaine de langues et son auteur multiplie les conférences et les interviews. Malgré de grandes résistances dans les hôpitaux, où on le traite de tous les noms, les mentalités vont évoluer peu à peu.

Aujourd’hui, si les bébés ne sont plus frappés sur les fesses et tenus la tête en bas à la naissance, c’est grâce à lui. Si la lumière est tamisée dans les salles d’accouchement, c’est grâce à lui. Si l’on dépose le plus souvent le nouveau-né sur le ventre de sa mère, en « peau-à-peau », c’est grâce à lui. Qu’il en soit remercié.

Pour modérer la technicisation actuelle de la naissance, son travail mériterait d’être poursuivi, relu, remis au goût du jour et au programme des formations des soignants. Ce serait le plus bel hommage à lui rendre.

Anne Bideault, journaliste et directrice de publication du magazine L’Enfant et la Vie.
Site : www.lenfantetlavie.fr