Le rendez-vous du mois

Jérôme Bernard-Pellet

Les médecins généralistes français sont-ils suffisamment formés à la nutrition ?

La nutrition est peu enseignée, avec seulement quelques heures de cours en 10 ans de médecine. C’est ridiculement faible. La conséquence est que la plupart des médecins n’en savent pas plus en nutrition que leurs patients. Très peu de gens le savent mais l’enseignement de la nutrition pour les médecins est très mal organisé en France.

Tout est fait pour décourager les médecins de devenir médecins nutritionnistes. Un médecin qui a fait l’effort d’obtenir des diplômes en nutrition (DESC, DU ou DIU) n’obtiendra aucune rémunération supplémentaire. Au contraire, comme les consultations en nutrition sont plus longues, une activité de nutritionniste fera perdre de l’argent à un médecin en libéral par rapport à une activité de médecine générale classique. Ni le Conseil de l’ordre ni la Sécurité sociale ne reconnaissent les diplômes en nutrition ! Il ne faut pas s’étonner ensuite que la population mais aussi les médecins soient aussi influençables par les faux messages nutritionnels promus par l’industrie. Volontairement ou non, cette politique empêche les médecins d’utiliser l’alimentation comme outil de médecine préventive et outil thérapeutique.

Beaucoup de citoyens tombent malades de diabète de type 2, d’obésité ou de cancer du côlon, alors que beaucoup d’entre eux auraient pu y échapper avec une bonne alimentation. Notre gouvernement, volontairement ou non, a ainsi œuvré pour construire un marché artificiellement large pour les laboratoires pharmaceutiques car nous traitons par d’onéreux médicaments des maladies évitables. Cela est indigne et les citoyens sont en droit de demander des comptes à leurs dirigeants pour leurs graves manquements !

Quelles sont les stratégies publicitaires des industriels de l’agroalimentaire ?

Des campagnes de publicité, bien sûr. Mais il existe aussi des publicités cachées : des médecins nutritionnistes perclus de conflits d’intérêts s’expriment en toute illégalité dans les médias, en cachant soigneusement leurs liens avec l’industrie : ils violent la loi Kouchner, de 2002. Leur discours, trop souvent pseudoscientifique, est en réalité un discours commercial, déconnecté du meilleur intérêt des patients. Ils violent donc aussi l’article 5 du Code de la déontologie médicale.

N’y a-t-il pas un manque d’intérêt pour l’alimentation en tant que mère de la médecine préventive ?

Tout à fait ! Et ce désintérêt est savamment entretenu, comme nous venons de le voir. Il n’y a pas non plus d’intérêt dans la médecine préventive. La meilleure preuve : tout comme la nutrition, la médecine préventive n’existe pas en tant que spécialité, ce qui est très problématique en terme de santé publique. D’abord, on laisse les gens tomber malades et, ensuite, on se met à les soigner. C’est la belle affaire pour les laboratoires pharmaceutiques !

Vous êtes un spécialiste du régime végétalien : quels en sont les bienfaits selon vous ?

Tout simplement prolonger la vie, comme l’a montré le Dr Michael Orlich dans l’étude publiée dans le JAMA Internal medicine de juillet 2013. Il existe un très grand nombre de fléaux de santé publique : comme le cancer du côlon, de la prostate, les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2, l’hypercholestérolémie, l’obésité, l’hypertension, la cataracte… Clairement, le régime végétal aide à diminuer ces risques.

Beaucoup de médecins nutritionnistes et de diététiciens sont persuadés que le végétalisme est très dangereux, surtout pour les enfants. Ils sont victimes de la propagande d’entreprises comme Nestlé et Danone, et n’ont jamais lu les informations à la source dans les grandes revues médicales à comité de lecture. Le seul réel danger est la carence en vitamine B12, pour laquelle il faut se supplémenter. Un complément quotidien de 25 µg par jour fait l’affaire !

Le soja est très décrié : est-ce fondé ?

Le soja est victime d’une propagande vraiment éhontée, venant principalement des multinationales laitières. Ils ont réussi à faire croire qu’il pouvait augmenter le risque de cancer du sein chez la femme, alors que c’est écrit exactement le contraire dans les revues scientifiques à comité de lecture ! Un article prouvera mes dires : celui de Nechuta SJ, Caan BJ, Chen WY et al., publié dans The American Journal of Clinical Nutrition en 2012.

Pour conclure, que pensez-vous du serment d’Hippocrate : n’est-il pas hypocrite ?

Beaucoup de médecins font de leur mieux pour le respecter, mais d’autres semblent avoir failli…

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Marianne Pastre

Journaliste et praticienne de santé.

infos : www.viesanterieuresetloidattraction.e-monsite.com