Le rendez-vous du mois

Jean-François Noblet

Votre impressionnant cursus révèle en filigrane deux tendances fortes chez vous : votre engagement pour l’écologie et votre radicalité. D’où vous viennent cette passion et ce caractère bien trempé ?

J’ai hérité de ma passion des animaux et de la nature de ma grand-mère journaliste qui m’emmenait au zoo de Vincennes et de mes parents qui m’ont éduqué dans le respect de toutes les vies. Mon père m’a appris à vivre dehors dans la nature et de vraiment savoir communiquer et ma mère me conseillait de passer par la fenêtre si on me fermait la porte ! Mon passé dans le scoutisme laïc m’a conforté dans ma passion naturaliste et la prise en considération de l’intérêt général.

Vous n’hésitez pas à bousculer autant les lobbies et que les inerties. Entre les deux, lequel est le plus dangereux ?

Je combats la puissance de l’argent et du prétendu intérêt économique qui justifierait toutes les destructions de la planète en priorité mais je veux aussi remuer l’inertie des consommateurs et des fonctionnaires avant que l’opinion publique ne change à la suite d’une catastrophe. Je refuse d’espérer un accident nucléaire ou une épidémie mondiale liée au réchauffement climatique pour que nous acceptions de changer de mode de vie.

En deux mots, que vous inspire la récente démission de Nicolas Hulot ? Mauvais présage ?

C’est une terrible désillusion car je croyais qu’un jeune président de la République dans un gouvernement moins partisan et plus ouvert sur la société civile, aidé d’un ministre convaincu et mobilisé, pouvait changer notre inertie face aux dangers de la crise écologique. Son départ m’a désespéré mais quand je pense à mes enfants, je me dois de reprendre le combat. En tout cas ce sera sans Macron qui préfère rouvrir les chasses présidentielles que fermer au moins une centrale nucléaire.

Selon vous, l’écologie ne devrait pas rester le monopole d’un parti politique mais devenir un enjeu transpartisan. Qu’est-ce qui a cloché ?

Qu’on soit de droite, de gauche ou du centre, on a tous besoin de respirer, de boire de l’eau potable et de manger une nourriture saine. J’ai toujours soutenu les écologistes français sauf ceux qui, comme José Bové ou Jean Vincent Placé, n’ont rien compris à la nature et au rôle indispensable des prédateurs. Je reproche aux Verts de préférer s’occuper de la libéralisation du cannabis et aux caméras de surveillance plutôt que du réchauffement climatique et de la biodiversité.

A côté de vos actions en solo, vous avez aussi dirigé la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature (FRAPNA) et occupé un siège de conseiller environnement au sein du Conseil général de l’Isère. Pas si sauvage que ça…

J’aime les humains, les enfants autant que les chauves-souris ou les éléphants, et je pense être capable de rassembler et d’animer des groupes de citoyens mobilisés dans une association ou une collectivité. Directeur de la FRAPNA Isère, je dirigeais une équipe de 15 personnes et le paysage du département ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui si cette puissante association ne s’était pas mobilisée. Au Conseil départemental de l’Isère j’ai pu mener, sous diverses majorités, de grandes actions : carte des corridors biologiques, programme Manger bio à la cantine, arrêt des pesticides en bord de routes, création de nombreux Espaces naturels sensibles et de 60 mares pédagogiques. Ces deux expériences m’ont beaucoup enrichi. D’autre part, en parcourant le monde je cherche à rencontrer des écologistes engagés pour trouver de nouvelles idées, pour démontrer que partout les consciences s’éveillent dès qu’une classe moyenne de citoyens se constitue grâce à l’éducation et aux engagements des femmes.

Aujourd’hui à la retraite (pas vraiment en fait), vous coprésidez l’association Le Pic vert. De quoi s’agit-il ?

Le Pic vert est une association de protection de la nature qui compte 780 adhérents dans mon secteur. J’y trouve convivialité et efficacité et j’ai toujours essayé de penser globalement en agissant localement. C’est du concret et cela démontre que l’on peut obtenir des résultats tangibles. Par exemple nous avons convaincu les élus et les services de la nécessité de construire un nouvel hôpital modèle en matière d’écologie. Nous sommes devenus leader français dans la conception et la fabrication de cabanes d’observations de la faune équipées de vitres spéciales qui permettent la vision et la photographie sans être vus de l’extérieur et nous commercialisons une super mallette pédagogique sur le gaspillage alimentaire.

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Jean-Pierre Camo

Directeur de la publication et romancier

La saga du vinland
De Jean-Pierre Camo, éd. Alphée, 472 p., 2008.

infos : www.biocontact.fr