Directeur et porte-parole d’Eau & Rivières de Bretagne, Arnaud Clugery s’intéresse depuis plusieurs années au lien terre-mer et à l’impact des activités humaines sur les eaux côtières. Son association, membre de France Nature Environnement, défend et protège l’eau et les milieux aquatiques depuis 55 ans.
Eau & Rivières de Bretagne a dévoilé fin mai son propre baromètre sur la qualité des eaux de baignade en France. Pourquoi en avoir lancé un en parallèle de celui réalisé par l’Agence européenne de l’environnement ? Des données ont-elles été écartées ?
Depuis plusieurs années, nous menons l’enquête sur les eaux de baignade et avons soulevé une affaire préoccupante. Grâce à nos compétences, à un travail acharné, notre enquête a révélé les nombreux biais dans le traitement des résultats des analyses de la qualité des eaux de baignade et a permis de faire condamner, par le tribunal administratif, l’Agence régionale de santé (ARS) de Bretagne en 2023. Après cette condamnation, nous avons décidé de poursuivre notre enquête et de l’élargir à toute la France.
Aujourd’hui, nous sortons le classement des eaux de baignade du littoral français, basé sur notre indicateur La Belle Plage. Il est calculé à partir des résultats des analyses transmises par les ARS à l’Agence européenne de santé. Pour chaque plage, nous proposons une note sur 100 et un classement dans une des catégories suivantes : « Recommandé », « Peu risqué », Déconseillé » ou « À éviter ».
Eau & Rivières estime que les baigneurs peuvent se baigner en confiance si la note est supérieure ou égale à 95 (« Recommandé »), et avec un risque limité si la note est supérieure ou égale à 85 (« Peu risqué »).
Comment est calculée la qualité de l’eau aujourd’hui ?
La qualité des eaux de baignade est suivie uniquement durant la saison estivale par les Agences régionales de santé. Entre 4 et 14 prélèvements sont réalisés chaque année entre juin et septembre sur chaque plage. Les plages sont classées suivant une grille européenne mais elle ne reflète pas la réalité des risques sanitaires, celle qui intéresse les baigneurs.
L’information pour les usagers est donc partielle, peu visible sur les plages. Et des données publiques sont parfois écartées sans raison valable pour obtenir des résultats conformes à la baignade. D’autres ne sont pas mises à jour alors qu’elles le devraient.
Nous demandons que les analyses soient réalisées toute l’année et que l’information aux usagers soit claire et transparente.
L’étude montre qu’une plage française sur cinq est régulièrement polluée par des bactéries. Quelles sont les plages les plus mal classées et pourquoi ?
Dans le Nord, le nord de la Bretagne et sur la Côte d’Azur, nous retrouvons une concentration de plages polluées.
Nous militons pour qu’une enquête soit menée afin de connaître toutes les causes de contamination. Comme les alertes se produisent quand il pleut, il est temps d’approfondir deux sujets : les réseaux d’eaux usées et pluviales et surtout le ruissellement qui lessive les terres ayant reçu des effluents fortement chargés en bactéries. Quelques études disponibles mentionnent des flux très élevés en provenance d’amonts… peu habités.
Pourquoi les plages ne sont-elles pas fermées lorsque les analyses sont trop préoccupantes ? Que risque-t-on à se baigner sur une plage « à éviter » ou « déconseillée » ?
Certains maires préfèrent fermer « préventivement » leurs plages à l’annonce d’un épisode pluvieux, ce qui est une façon de casser le thermomètre, tout en faisant croire qu’on protège le baigneur, lequel n’est bien souvent pas informé. D’une part, cela fausse donc totalement le classement et d’une autre, cela prouve que l’intérêt économique lié au tourisme passe avant la santé publique.
En France, aucune étude épidémiologique n’a été réalisée sur les risques liés à la concentration de bactéries dans les eaux de baignade. Mais en Angleterre, oui ! Des chercheurs de l’université d’Exeter ont réussi à prouver que les surfeurs avaient trois fois plus de chance que le reste de la population d’être porteur de la bactérie Escherichia coli. Nous recueillons de nombreux témoignages qui vont dans le même sens : des baigneurs ou des surfeurs malades après être allés à l’eau. Eau & Rivières demande donc une étude de santé publique !
À l’inverse, où se situent les étendues de sable les mieux classées ?
80 % des plages sont de bonne qualité et nous nous en réjouissons. Pour les trouver, il suffit d’aller sur notre carte interactive : www.labelleplage.fr
Je me sens concerné⸱e par la pollution des plages : que puis-je faire à mon échelle ?
Pour commencer, signer notre pétition qui demande une enquête parlementaire sur le sujet ! Nous invitons les personnes qui constatent des défauts d’information sur la fermeture des plages à les signaler sur l’application « Sentinelles de la nature ». Ces remontées vont prouver les lacunes et les infractions en matière de surveillance de la qualité de l’eau.
Nous proposons également aux personnes vivant en Bretagne de participer à la Tournée des plages pour informer un maximum d’usagers sur le sujet. Durant la période estivale, des bénévoles vont tenir des stands au plus près des concernés par les pollutions des plages : au bord de l’eau. Au programme : informations, pédagogie, jeux…
Pour nous soutenir, il y a également des kits en vente sur notre site !
Retrouvez le classement et la carte interactive des plages sur le site Internet La belle plage : www.labelleplage.fr
















