Le rendez-vous du mois

Pierre Athanaze

Quel est l’état des lieux de la forêt française aujourd’hui ?

La forêt française est jeune. Sa surface n’était plus que de 9 millions d’hectares au milieu du XIXe siècle. Elle est de presque 17 millions d’hectares aujourd’hui. Soit 31 % du territoire. Mais ces chiffres flatteurs ne doivent pas cacher l’état de nos forêts. Une part de cet accroissement forestier est le résultat de friches issues de la déprise agricole de la fin du XIXe siècle. Elle a donné des forêts riches en espèces d’arbres, donc en biodiversité animale et végétale. Mais une grande partie de l’accroissement forestier est le fruit de plantations forestières, le plus souvent monospécifiques (une seule espèce) et beaucoup trop souvent de résineux.

Nous en voyons les résultats aujourd’hui, avec les effets du dérèglement climatiques qui sont très importants sur ces plantations, surtout sur les épicéas, essence qui a été favorisée par la politique de reboisement de la seconde partie du XXe siècle.

Les forêts spontanées résistent, pour le moment, mieux que celles issues de plantations. Suite à ces trois dernières années de sécheresse, on voit des centaines de milliers de conifères dépérir.

 

Forêts sauvages acquiert des espaces naturels qu’elle met en réserve et surtout n’y pratique aucune intervention (sylviculture, chasse, élevage…). Quels impacts avez-vous constatés sur la faune sauvage ?

La non-chasse à un effet presque immédiat. Quelques mois après la mise en réserve, on y voit plus de cerfs ou de chevreuils. Puis plus d’oiseaux. L’arrêt de la sylviculture et de l’élevage a des effets un peu plus longs à mesurer. Avec l’arrêt du bucheronnage, on voit plus de bois mort, d’abord de branches puis d’arbres, qui permet à toute une diversité animale (à commencer par les insectes) et végétale (champignons lignivores) de se développer.  Avec le retour des insectes, le nombre d’oiseaux croît lui aussi de façon très sensible.

L’arrêt de l’élevage permet la régénération spontanée de la forêt par semis naturel. Selon les milieux, la friche, qui est la phase intermédiaire entre la prairie et les forêts, dure plus ou moins longtemps. Mais dans tous les cas elle s’accompagne d’une augmentation spectaculaire du nombre d’espèces végétales, puis animales.

 

La non-intervention humaine n’est-elle pas aussi la vocation des parcs naturels ?

Ce devrait en effet être le cas des Parcs nationaux et Réserves naturelles. Mais, malheureusement, bien peu de ces espaces protégés jouent pleinement ce rôle de régénération naturelle. La forêt est exploitée dans la totalité des parcs nationaux (alors qu’il est interdit aux promeneurs d’y couper une fleur…) et la chasse est pratiquée, pour toutes ou certaines espèces « gibier » dans sept de nos parcs nationaux et 70 % de nos réserves naturelles !

Seul 1 % de la surface française bénéficie d’un statut de protection élevé. Le Grenelle de l’environnement prévoyait de doubler cette surface. Mais force est de constater que nous en sommes très loin.

C’est pourquoi nous avons décidé de créer Forêts sauvages. Nous désirons plus d’espaces protégés, et que ces espaces le soient réellement. Donc en libre évolution, sans chasse ni exploitation forestière ou pastoralisme.

 

A la faveur du confinement, de nombreux animaux sauvages se sont aventurés sans crainte dans les métropoles du monde. Une aubaine pour la vie sauvage ?

Rien n’est moins sûr. Si, confinés dans nos maisons ou nos appartements, nous trouvons cette période interminable, elle n’est qu’une très courte parenthèse dans la vie de la faune sauvage.

Certes, nous voyons ici et là des animaux moins farouches traverser des routes, s’aventurer dans des parcs urbains, faire des haltes migratoires dans des périphéries de villes devenues moins effrayantes. Mais ne nous y trompons pas. Pour reconstituer des populations plus importantes, il faudrait non pas une parenthèse mais un véritable changement dans nos activités, nos comportements et nos politiques.

Ce qui n’est pas le cas pour nos décideurs : quelques jours après la décision de confinement des Français, le ministre de l’Agriculture autorisait à nouveau les agriculteurs à épandre leurs pesticides au raz de nos jardins, et la ministre de l’Ecologie autorisait les chasseurs à tirer sur les animaux que certains jugent « nuisibles ». Nous ne pouvons être rassurés en voyant les lobbyistes des industriels et de l’agriculture intensive forcer la porte des ministères pour demander la levée de mesures environnementales !

On peut effectivement rêver du monde d’après, et œuvrer à ce qu’il soit meilleur pour l’homme et la nature, mais d’autres sont déjà à pied d’œuvre pour que rien ne change.

 

Forêts sauvages édite Naturalité, un périodique trimestriel diffusé par voie électronique. Qu’y trouve-t-on ?

On y trouve des informations sur les forêts en libre évolution, principalement en Europe, et des zooms sur des expériences de protection de la nature, surtout en milieu forestier. On y présente les dernières publications traitant de ces sujets.