Le rendez-vous du mois

Michel Vampouille

S’installer devient de plus en plus compliqué pour les jeunes agriculteurs. Vos actions vont dans le sens de la préservation des sols et de l’accès au foncier agricole. Mais quelle est la différence entre Terre de Liens et la Safer ?

Terre de Liens, mouvement citoyen né en 2003, a créé deux organismes lui permettant de devenir propriétaire de terres agricoles afin d’y installer des paysans. Terre de Liens a vocation à ne jamais revendre ses terres. La Safer, si elle joue un rôle essentiel dans la régulation du marché foncier agricole par son pouvoir de préemption et de choix des acquéreurs finaux, ne reste pas propriétaire des fermes. Au fil des années, les complémentarités entre la Safer et Terre de Liens se renforcent, les actions communes sont de plus en plus fréquentes et des conventions de partenariat sont déjà signées dans plusieurs régions.

 

Terre de Liens, c’est « un mouvement, trois piliers ». Lesquels sont-ils et qui fait quoi ?

Les 19 associations territoriales, présentes dans toutes les régions métropolitaines, accueillent et accompagnent les paysans pour leur accès à la terre, informent et rassemblent le public autour des enjeux fonciers, agricoles et alimentaires. Elles permettent à Terre de Liens de s’ancrer dans des dynamiques citoyennes et locales, notamment pour interpeller les collectivités locales.

La fédération relaie ces dynamiques aux échelles nationale et européenne.

La foncière, agréée entreprise solidaire d’utilité sociale, collecte de l’épargne solidaire, ouverte aux citoyens. Le capital cumulé sert à acheter et entretenir des fermes pour y implanter des paysans.

La fondation, reconnue d’utilité publique, est habilitée à recevoir des dons, legs et donations de fermes. Elle est la seule fondation française ayant pour mission d’accepter et de conserver des terres agricoles sans les revendre, puis d’y assurer un usage responsable à long terme.

 

Vous dénichez, achetez des terrains et les louez en fermage aux agriculteurs qui n’ont pas de garanties financières suffisantes. Comment fonctionne ce système ?

Terre de Liens accompagne les porteurs de projets et cédants, et achète des terres pour y installer des paysans et paysannes en bio. Ces terres gardent une vocation agricole à long terme et rendent la transmission intergénérationnelle possible. Terre de Liens est la seule structure d’intérêt général à porter une telle mission ! Le bail rural environnemental comprend des obligations du fermier pour la préservation du lieu et des ressources naturelles, qui obéissent à un équilibre très fin : poser les incontournables écologiques sans s’immiscer dans les choix opérationnels du fermier ni entraver sa liberté d’exploitation.

 

Allouez-vous toujours ces terres à de futurs agriculteurs bio ?

Nous partons du constat que près de 8,3 % des surfaces agricoles étaient cultivées en bio en 2019, alors que la France s’est engagée à parvenir à 15 % en 2022. Les fermes Terre de Liens accueillent des projets en agriculture paysanne, biologique ou biodynamique (AB, Demeter, Nature & Progrès), en accord avec la charte du mouvement. Ces trois approches ont en commun de traiter la terre comme une ressource précieuse. Face aux pratiques intensives qui épuisent la terre et polluent les écosystèmes, elles privilégient des pratiques respectueuses de la terre et sont gages de la qualité alimentaire des productions !

 

L’épargne et les dons du public vous permettent d’acquérir du foncier agricole. Comment sensibiliser et impliquer les citoyens dans cette démarche ?

L’avenir de nos terres agricoles est l’affaire de tous puisque nous dépendons tous étroitement de cette ressource précieuse, particulièrement pour nous alimenter. Terre de Liens rend l’information accessible et la mobilisation possible partout en France. Films-débats, portes ouvertes sur nos fermes, stands sur les marchés ou évènements locaux sont organisés régulièrement pour permettre de comprendre, s’intéresser et engager un changement concret pour l’avenir de nos terres. Nous informons et formons les citoyens pour qu’ils puissent, chacun, changer leurs choix personnels et qu’ils se sentent en capacité d’interpeller leurs élus afin de transformer les politiques publiques. Chacun peut soutenir Terre de Liens en devenant bénévole (en 2019, plus de 1 100 bénévoles étaient à nos côtés), en souscrivant à des actions, en faisant un don ou un legs.

 

Le ministère de la Transition écologique prévoit dans son Plan biodiversité un projet « zéro artificialisation nette ». Qu’en pensez-vous ?

Nous demandons aux ministres de l’Agriculture et de la Transition écologique d’agir en faveur de la mise à l’agenda parlementaire d’une loi foncière pour sauver le climat et la biodiversité, en y intégrant les propositions sur l’artificialisation et l’agroécologie de la Convention citoyenne sur le climat, retenues par le président de la République. Pour atteindre l’objectif de « zéro artificialisation nette » des sols, Terre de Liens incite également les collectivités locales à changer leurs pratiques d’aménagement