Médecin généraliste depuis 25 ans, micronutrionniste et ostéopathe, membre du conseil d’administration de l’Académie médicale du jeûne (AMJ) et formée en Allemagne à l’accompagnement de groupes de jeûne médicalisés ou non.

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Le rendez-vous du mois

Dre Véronique Pillon

En septembre, vous ainsi qu’une quinzaine de médecins avez marché 100 km en jeûnant, entre le Mont-Saint-Michel et Saint-Malo, sur le GR 34, pendant une semaine. Racontez-nous.

L’Académie médicale du jeûne (AMJ) a à cœur de promouvoir le jeûne selon la méthode des Drs Otto Buchinger et Hellmut Lützner. Les médecins favorables à cette pratique et membres de l’AMJ se sont donc lancé ce « défi » symbolique.

Le but de cette marche était de démontrer la sûreté de cette méthode et de témoigner du fait que le jeûne n’entame en rien les capacités physiques et intellectuelles grâce à la faculté naturelle, innée de l’organisme de s’adapter à cet état pendant un temps donné.

La méthode de jeûne des Drs Buchinger et Lützner est pratiquée en Allemagne depuis près d’un siècle. Ses résultats sont excellents et documentés par des études, tant en matière de prévention que dans l’amélioration, voire le traitement d’un grand nombre de pathologies. Cette méthode a été précisément définie et validée en 2013 par un consensus d’experts en jeûne (qui sera bientôt réactualisé). En Allemagne, elle est pratiquée de manière courante par des milliers de personnes, que ce soit sous forme de séjours de jeûne bien-être/préventif (les participants sont en bonne santé) ou sous forme de jeûnes thérapeutiques, plus longs, proposés par certains médecins en cabinet et dans plusieurs cliniques pour le traitement ou l’accompagnement de pathologies déjà installées.

L’approche est conçue de façon à faciliter et potentialiser les effets du jeûne et se base sur l’apport d’un jus de légumes, de fruits et d’un bouillon par jour, accompagnés d’un apport de 2 à 3 litres de liquides (eau et tisanes), de soins corporels stimulant les organes d’élimination, d’activité physique, de périodes de repos et de calme, de pratiques de détente… Elle est l’occasion de donner des impulsions pour un mode de vie plus sain et équilibré.

Au-delà de cette dimension santé, elle permet également un retour sur soi, un « travail personnel », car elle stimule l’intellect et finalement touche à l’être profond. Le Dr Lützner écrit à ce propos : « Une personne qui n’a pas jeûné sait moins d’elle-même. »

Quel a été votre état de santé pendant ces quelques jours ?

Excellent ! J’avais tout de même une petite appréhension au départ, n’étant pas rompue à la randonnée régulière et surtout pas habituée à des distances aussi importantes. Le bilan a été extrêmement positif. J’ai mieux marché et surtout n’ai pas eu les douleurs articulaires et courbatures habituelles après une promenade un peu prolongée.

L’ambiance sympathique et chaleureuse au sein du groupe s’est très vite enrichie d’un sentiment de cohésion et soutien mutuel qui a contribué à nous porter jusqu’à notre but. Nous avons pu nous emplir les yeux de magnifiques paysages et rassasier nos esprits en échangeant expériences, idées et ressentis. Une sensation de plénitude s’est ainsi installée au fur et à mesure de l’avancée de la marche. Cette action à but promotionnel s’est transformée en belle aventure humaine.

Jeûner, oui, marcher, oui, mais pourquoi marcher et jeûner ?

La marche associée au jeûne est un élément important pour plusieurs raisons. Du point de vue physiologique, la marche mobilise les muscles, contribuant ainsi à préserver la masse protéique musculaire du corps. Elle stimule la respiration et la transpiration, favorisant ainsi l’élimination des toxines et acides produits au cours de la cétose (mode de métabolisme adopté par l’organisme pour approvisionner le corps en énergie à partir du stock de graisses et non plus des glucides apportés par l’alimentation). Finalement, la marche augmente les apports en oxygène dont les besoins sont plus importants en cétose.

Du point de vue social, psychologique, intellectuel et spirituel même, la marche est un temps privilégié d’échanges entre les participants, l’occasion d’une reconnexion à la nature et de la mise en éveil de tous les sens, mais aussi un temps de retour sur soi quand elle est méditative.

Est-ce que vous jeûnez régulièrement ?

Je jeûne une à trois fois par an depuis 2016, en fonction de mon ressenti. Au fur et à mesure des jeûnes, on développe une meilleure écoute et connaissance de son corps, de ses capacités et de ses besoins.

Une anecdote sur la route ?

Il m’est difficile de choisir une anecdote en particulier car la semaine a été riche d’échanges, de découvertes et apprentissages. Voici un beau souvenir : deux jeûneurs en pleine forme qui, juchés sur une pointe de rocher à l’aplomb de la mer, entonnent en duo et à pleine voix un superbe Salve Regina.

Comment alliez-vous médecine conventionnelle et médecine naturelle dans votre pratique professionnelle, au quotidien ?

Je propose depuis longtemps un accompagnement nutritionnel à mes patients et le jeûne vient compléter efficacement ce type de prise en charge. J’ai donc décidé de mettre cette méthode à leur disposition et suis en cours d’organisation de semaines de jeûne.

Mon adhésion à l’AMJ m’a encouragée à agir dans ce sens et j’ai choisi de participer aux différentes missions que celle-ci s’est données, car elles me semblent justes et essentielles. Ainsi l’AMJ organise pour les patients des semaines de jeûne avec accompagnement médical ; pour les médecins et professionnels de santé des séminaires théoriques et classes de jeûne d’une semaine ; des consultations autour des questions concernant le jeûne ; des téléconsultations en urgence en cas de questions médicales pouvant survenir durant un séjour de jeûne bien-être ; une « veille scientifique » concernant toute l’actualité du jeûne ; un forum d’échange pour les praticiens.