Le rendez-vous du mois

Antoine Lambert

Pouvez-vous nous raconter la genèse de Phyto-Victimes et le combat de l’agriculteur Paul François qui a initié ce mouvement ?

En 2004, Paul François, agriculteur en Charente, inhale accidentellement des vapeurs de Lasso (un herbicide de la firme Monsanto). S’ensuivent des mois d’hospitalisation, des pertes de connaissance, des comas, des maux de tête violents… Après avoir obtenu la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie, il s’engage en 2007 dans un combat judiciaire contre la firme Monsanto, pour « défaut d’information sur l’étiquette et non-respect du devoir de vigilance ». La médiatisation de l’affaire permet à plusieurs agriculteurs de se reconnaître dans ce combat. En 2011, ils se regroupent pour créer une structure à dimension nationale venant en aide à l’ensemble des professionnels victimes des pesticides. L’association Phyto-Victimes, alors présidée par Paul François, est née !

Après 15 ans de batailles judiciaires, le géant américain de l’agrochimie et fabricant de pesticides Bayer (ex-Monsanto) indemnise fin 2022 Paul François à hauteur de 11 135 euros. Une goutte d’eau dans l’océan !

Pour la première fois à l’échelle mondiale, la responsabilité de Monsanto est reconnue dans l’intoxication de Paul François. Il s’agit d’une véritable victoire pour les victimes des pesticides, mais dans les faits les firmes s’en tirent bien ! La justice a autorisé une multinationale privée à déduire de sa condamnation les versements de la MSA (Mutualité sociale agricole) perçus par Paul François au titre de son accident du travail. Phyto-Victimes se pose donc la question : les professionnels du monde agricole cotisent-ils pour Monsanto ? La MSA, soucieuse de garder un équilibre financier de ses ATMP (accidents du travail et maladies professionnelles), demandera-t-elle le remboursement de ces sommes au fabricant ?

Quelles avancées les actions de Phyto-Victimes ont-elles permises concernant les maladies en lien avec les pesticides ?

En 2011, aucun tableau de maladie professionnelle en lien direct avec les pesticides n’existait ! Depuis, grâce à nos actions, trois tableaux ont vu le jour (maladie de Parkinson, hémopathies malignes, cancer de la prostate). Nous nous sommes battus pour la création du Fonds d’indemnisation des victimes des pesticides (FIVP) en 2020. La création de ce fonds a permis d’ouvrir des droits à des victimes qui n’en avaient pas précédemment, dont les enfants de professionnels exposés.

Comment l’association a-t-elle permis, au fil des années, de briser l’omerta autour des maladies en lien avec les pesticides ?

Phyto-Victimes est pionnière dans la défense des victimes. Le but premier de l’association est d’apporter un soutien complet aux professionnels victimes des pesticides, notamment par un accompagnement dans les démarches de reconnaissance en maladie professionnelle. Mais nous nous attachons aussi à briser l’omerta en sensibilisant le grand public, les professionnels et futurs professionnels manipulateurs de pesticides, en médiatisant cette problématique de santé publique et en alarmant les politiques. Le FIVP a aussi aidé à légitimer les demandes de réparation, puisque depuis sa création, le nombre de demandes de reconnaissance a considérablement augmenté.

Il y a un an, Phyto-Victimes ouvrait une antenne en Martinique avec France Assos Santé Martinique. Racontez-nous.

Le chlordécone et d’autres pesticides ont été utilisés en Guadeloupe et en Martinique ; pourtant, aucune victime antillaise n’avait sollicité l’association depuis sa création, alors que le cancer de la prostate touche un grand nombre de professionnels. Nous avons proposé de mettre notre expérience au service des Antilles et avons été choisis pour assurer l’une des missions du Plan Chlordécone IV, à savoir  « le déploiement aux Antilles d’un dispositif d’accompagnement gratuit pour faciliter les démarches auprès du fonds d’indemnisation des victimes des pesticides ».

Ainsi, depuis janvier 2022, une chargée de mission est présente à Fort-de-France et entièrement dédiée à l’accompagnement des professionnels victimes des pesticides. Le dispositif Phyto-Victimes Martinique permet l’accompagnement des victimes dans la constitution de leur dossier de reconnaissance en maladie professionnelle et assure leur suivi jusqu’à l’indemnisation. En moins d’un an, nous avons déjà permis à plus de 20 victimes d’obtenir la reconnaissance en maladie professionnelle.

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Antoine Lambert

Phyto-Victimes

135, route de Bordeaux

16400 La Couronne

Tél. : 06.74.78.88.27

infos : www.phyto-victimes.fr