proposition de loi Duplomb : un prétexte pour ouvrir les vannes de l’élevage industriel

La proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur (PPL Duplomb) entérine un maximum de reculs environnementaux. Si ceux envisagés sur les pesticides agitent – à raison – le débat public, un autre recul majeur se prépare sur l’élevage (article 3), passant complètement sous les radars.

Depuis plus de dix ans, des allègements successifs de la réglementation environnementale sur les élevages intensifs ont lieu. Une accélération est en cours, que ce soit via un lobbying au niveau européen pour affaiblir les ambitions de la directive sur les émissions industrielles (IED), le relèvement des seuils français d’évaluation environnementale par un discret décret publié le lendemain de la dissolution le 10 juin 2024, les allègements entérinés par la loi d’orientation agricole… Désormais, l’objectif est de permettre à des élevages de pouvoir s’agrandir sans évaluation environnementale systématique.

Ainsi, avec la PPL Duplomb, les seuils pour qu’un élevage soit soumis à une procédure d’autorisation passeraient :

– de 40 000 emplacements pour les volailles aujourd’hui, à 85 000 emplacements pour les poulets, soit plus du double ! ;

– de 2 000 emplacements pour les porcs de production, à 3 000 emplacements, soit 50 % de plus ! ;

– tout en ouvrant la porte à une exonération potentielle des élevages bovins de ces procédures environnementales, quelle que soit leur taille.

Enfin, l’article 3 allège également le régime de consultation du public (y compris au-delà du domaine agricole), ce qui est non seulement antidémocratique mais également contre-productif : réduire les possibilités de consultation publique et les mécanismes de dialogue risque d’augmenter la conflictualité locale et l’insécurité juridique des projets.

Aujourd’hui, moins de 8 % des exploitations d’élevage relèvent du régime d’enregistrement et moins de 2 % du régime d’autorisation. Loin de répondre aux préoccupations de l’ensemble des éleveurs, l’allègement de la réglementation ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement) ne bénéficiera donc qu’à une extrême minorité d’entre eux, qui ne sont pas ceux qui ont des difficultés de revenus.

In fine, cela menace le renouvellement des générations au profit d’une agriculture financiarisée, compromettant la transmission des exploitations en raison des investissements considérables qu’elle implique (le montant moyen des actifs immobilisés ayant presque doublé en 20 ans).

Ces manœuvres ne répondent pas aux besoins des agriculteurs, et ne permettent pas non plus de soutenir une production à même de faire face aux enjeux de souveraineté alimentaire de façon pérenne. L’urgence est de soutenir les productions durables, assurant le renouvellement des générations, respectueuses de notre santé et du bien-être animal.

Les ONG Compassion in World Farming (CIWF), Greenpeace, la Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH), QUATRE PATTES et le Réseau Action Climat (RAC).