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Une pêche « durable » est-elle possible ?
La consommation de poissons de pêche ou d’aquaculture dans le monde est en moyenne de 20 kg chaque année par personne (35 kg en France). Le poisson constitue la principale source de protéines pour un milliard de personnes. Selon l’édition 2016 de la Situation mondiale des pêches et de l’aquaculture de la FAO, « les poissons ont fourni 6,7 % de l’ensemble des protéines consommées et offert une source abondante d’acides gras oméga-3, de vitamines, de calcium, de zinc et de fer ». Près de 57 millions de personnes travaillent dans le secteur primaire de la production de poisson, dont un tiers dans l’aquaculture.
Mais plus de 30 % des « stocks » de poissons commerciaux sont pêchés à des niveaux biologiquement non viables et 58 % exploités à leur maximum. En Méditerranée, la surexploitation toucherait même 88 % des stocks. Si l’aquaculture se développe, elle nécessite à son tour des quantités toujours plus grandes de farines de poisson, tout en disséminant des antibiotiques, pesticides, additifs chimiques, déchets et en détruisant des habitats naturels.
Plus haut les poissons figurent dans la chaîne alimentaire, plus ils concentrent de polluants. D’après un test de 60 millions de consommateurs paru en avril 2016, sur 15 conserves de thon de grandes marques et marques de grande distribution, toutes contenaient du mercure, de l’arsenic et du cadmium. Par ailleurs, le réchauffement climatique modifie la température de l’eau de mer, son acidité, sa teneur en oxygène, ce qui déséquilibre les écosystèmes marins, avec des impacts sur la répartition des poissons, leur taille, leur capacité de reproduction, les interactions entre prédateurs et proies, etc.
Dans ce contexte, il est urgent de rompre avec la vision traditionnelle du poisson comme une « ressource renouvelable » à « extraire », à « exploiter ». La pêche est devenue une industrie qui lamine les pêcheurs artisanaux, particulièrement en zone côtière dans des pays du Sud. Les « chaluts pélagiques » et autres « dispositifs de concentration de poissons », qui ratissent tout sur leur passage, causent une hécatombe, notamment parmi les dauphins.
Qu’est-ce qu’une pêche « durable » ? Le Marine Stewardship Council, organisation internationale à but non lucratif, délivre un label « MSC ». Son logo avec un poisson blanc dans une pastille bleue permet d’identifier les produits issus de pêcheries et d’entreprises de produits de la mer engagées dans une certification et évaluées par des référentiels selon les directives internationales pour la certification et l’écolabellisation des produits de la pêche. Le MSC garantit la traçabilité du poisson certifié, du produit jusqu’au pêcheur labellisé, avec une base de données consultable sur www.msc.org. 298 pêcheries sont actuellement certifiées dans plus de 30 pays et 85 sont en cours d’évaluation. Mais cela ne représente qu’environ 10 % des captures annuelles en milieu sauvage.
Le label bio existe également pour des poissons d’élevage, interdisant l’usage de pesticides, les OGM et les hormones de croissance. Des associations comme WWF ou Greenpeace proposent des guides et listes des poissons à privilégier et de ceux qui sont surexploités. Il faut consommer le plus local possible, veiller à la taille du poisson (qui ne doit pas être trop jeune), se renseigner sur la technique de pêche. Quelques exemples non exhaustifs : hareng, lieu, maquereau, mulet, tacaud, limande sole peuvent être achetés sans problème. Il faut faire attention aux anchois (éviter ceux de Méditerranée), bars (seulement de ligne ou d’élevage certifié), cabillauds (d’Arctique seulement). A refuser : les poissons de grands fonds (sébaste, empereur), les dorades roses, thons rouges, raies, certains poissons de rivière en voie de disparition (anguille)…