Le rendez-vous du mois

Dr Marc Arazi

Médecin, auteur du livre Phonegate (Massot éditions), président et cofondateur en 2018 de l’ONG Alerte Phonegate.

Watergate, Dieselgate, Partygateet désormais Phonegate. Qu’y a-t-il derrière ce scandale ?

Comme pour chaque scandale, et en particulier les scandales industriels et sanitaires, nous sommes encore une fois face à une tromperie sur la réglementation et les normes censées protéger la santé et la sécurité de près de 5 milliards d’utilisateurs de téléphones portables, mais aussi des tablettes et autres objets connectés. Pire, comme pour l’affaire du Dieselgate, certains fabricants utilisent des logiciels pour tenter de fausser les tests de contrôles réalisés par les autorités nationales.

Il est important de prendre conscience que le téléphone portable est la première source d’exposition humaine, loin devant les antennes-relais ou le WiFi, et qu’aujourd’hui aucun smartphone mis sur le marché n’est sûr pour la santé de son utilisateur.

Depuis plusieurs années, vous dénoncez à travers Alerte Phonegate le processus de certification des téléphones portables qui poserait problème. Pourquoi ?

Pour permettre la meilleure performance possible des téléphones portables, la réglementation mise en place depuis l’origine a été réalisée « sur mesure » pour favoriser le développement de l’industrie de la téléphonie mobile, et ce au détriment de la santé des utilisateurs.

Par exemple, jusqu’en juin 2017, les fabricants pouvaient mettre sur le marché leurs téléphones portables en les testant à une distance de 15 à 25 mm de la peau. Comme en lévitation… alors que nous les utilisons dans la vie réelle au contact direct du corps.

Encore aujourd’hui, et malgré les recommandations de l’Anses en 2019, ils sont testés à 5 mm du corps. Depuis quatre ans, la Commission européenne fait la sourde oreille aux demandes de la France.

Quelles sont les missions de l’association ?

Tout d’abord protéger la santé des utilisateurs de téléphones portables. Pour cela, nous avons obligé les autorités françaises à rendre publics près d’un millier de rapports de tests de contrôles de téléphones portables. Nous intervenons pour faire modifier la réglementation tant au niveau national qu’européen et international.

Par ailleurs, nous soutenons plusieurs actions juridiques en cours contre des fabricants. Ainsi au Canada, en 2022, un juge a autorisé la première action collective contre Apple et Samsung dans le cadre du Phonegate.

Malgré de nombreuses études et alertes, le lien entre ondes de la téléphonie mobile et risques de cancer est souvent réfuté. Pourquoi ?

En France, un rapport de Santé publique France a montré qu’en 30 ans les cas de cancers du cerveau les plus graves, les glioblastomes, ont été multipliés par quatre. L’agence a aussi évoqué le lien possible avec la cancérogénicité des ondes de la téléphonie mobile. Pour autant, certains médias ou médecins continuent à expliquer qu’il n’y a pas d’augmentation… Ce sont pourtant près de 50 000 morts lors des vingt dernières années… Tous ne sont pas attribuables qu’à l’exposition aux ondes, mais cela devrait faire prendre conscience des risques.

Et pour rappel, l’Organisation mondiale de la santé a classé 2B depuis 2011 les ondes de la téléphonie mobile, soit cancérogènes possibles.

Des téléphones sont donc régulièrement retirés du marché (parfois avec des sanctions financières pour les fabricants) à cause de leur nocivité. Comment puis-je savoir si mon téléphone émet trop d’ondes par rapport à la moyenne ?

Nous publions régulièrement sur notre site la liste des téléphones portables dangereux épinglés pour dépassement du niveau d’exposition. Ce sont à ce jour 45 modèles de quasiment toutes les marques qui ont été sanctionnés. Le plus récent et le plus médiatisé étant l’iPhone 12 d’Apple, qui a fait l’objet d’une interdiction temporaire de vente.

Et pour ceux qui veulent connaître leur véritable niveau d’exposition, nous venons de lancer un calculateur de DAS (débit d’absorption spécifique) réel. C’est-à-dire le rayonnement électromagnétique qui sera absorbé par votre corps lorsque vous utilisez votre smartphone. Il devrait permettre à tous de prendre conscience de la surexposition que nous subissons. Pour cela, rien de plus simple, il suffit d’aller dans notre onglet « ressources ».

Entre protection des données personnelles, troubles de la concentration, du sommeil, craintes d’exposition aux radiations et désir de déconnexion, certaines personnes retournent vers des modèles de téléphones portables anciens, moins sophistiqués. Émettent-ils réellement moins d’ondes ?

Non, c’est tout le contraire ! La réglementation a un peu évolué depuis, mais insuffisamment pour considérer un téléphone portable vendu aujourd’hui comme sûr. Donc pas d’obligation d’en changer si l’utilisateur suit nos conseils pour se protéger.

Justement : comment se protéger efficacement des ondes de son téléphone ?

Rien de plus simple et c’est tout à fait gratuit. Pour cela, il faut changer nos habitudes et éviter de mettre votre téléphone au contact du corps. Pas à la tête pour téléphoner, préférer l’usage du haut-parleur ou d’un kit filaire (de préférence air tube). Pas dans les poches de pantalon ou de chemise. Et être plus vigilant en particulier pour les enfants, les jeunes, les femmes enceintes ou les porteurs d’implants connectés comme les pacemakers.

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Dr Marc Arazi
Alerte Phonegate

infos : www.phonegatealert.org