Le rendez-vous du mois
Marine Laullon
Présidente et cofondatrice de l’association Wany the Pooh, Marine Laullon vient du monde du management et de la gestion de crise. Amoureuse des animaux depuis toujours, elle a choisi de mettre ses compétences au service de la protection animale en créant, avec son conjoint, une structure capable de fédérer une équipe qui se mobilise en moins de 24 heures partout en France et à l’étranger lors de catastrophes naturelles, pour répondre aux urgences animales.
Comment est née l’association, et pourquoi ce nom, « Wany the Pooh » ?
L’association est née à la suite des incendies en Gironde. Nous nous sommes alors rendu compte que le retour d’expérience des incendies d’Australie, vécus juste avant, n’avait eu aucun impact concret dans notre pays. Alors que j’étais enceinte, face au carnage en Gironde, nous avons décidé de ne plus rester spectateurs et de créer une équipe de terrain efficace, capable de se mobiliser stratégiquement pour maximiser les chances de survie de tous les animaux touchés par un incendie.
« Wany » est le surnom de notre fille : Wany the Pooh est née grâce à elle. C’est la chanson que nous lui chantons le soir. C’est notre façon de lui prouver que nous participons concrètement à la protection des animaux face au changement climatique. C’est ainsi que nous avons créé notre slogan : « Quand l’humain n’y voit que du feu, Wany sauve des vies » !
Quel a été votre rôle dans les récents incendies de l’Aude ?
Sur ces feux, nous avons mobilisé près de 300 bénévoles nationaux sur une quarantaine de jours, parcourant chaque jour plus de 100 km, dont 30 de nuit, pour secourir les animaux touchés par le feu, les fumées ou la déshydratation.
Nous avons mis en place un protocole strict de recherche et de suivi post-incendie, qui a permis de sauver plusieurs animaux en urgence vitale : chevreuils, chèvres, coqs, chats, mais aussi un blaireau, un patou, des renards et même des insectes. Nous avons également apporté un soutien logistique aux habitants pour leurs animaux domestiques et pour eux-mêmes en eau, nourriture et produits vétérinaires.
Au-delà du drame humain, on parle peu, voire pas, des animaux affectés lors des catastrophes climatiques. Pourquoi ? Et qu’arrive-t-il à la faune lors d’un incendie en forêt ?
Avant la création de Wany the Pooh, aucune structure n’était en mesure d’intervenir officiellement sur le terrain pour secourir la faune. Ces missions nécessitent des autorisations, des formations et des protocoles stricts : elles sont extrêmement dangereuses et doivent être sécurisées. Aujourd’hui, WTP est la seule association à pouvoir réaliser ces sauvetages en lien étroit avec les autorités publiques. Nous avons un devoir d’exemplarité.
Nos interventions passent souvent inaperçues dans l’urgence médiatique et opérationnelle. Nous travaillons « dans la fumée », là où personne ne regarde. Jusqu’ici, beaucoup imaginaient que les animaux pouvaient tous fuir. Pourtant, on imagine à quel point la faune, désorientée par la fumée, a peu de chances de s’en sortir seule.
Lors d’un incendie, de nombreux animaux périssent directement dans les flammes, en particulier les espèces peu mobiles comme les reptiles, les amphibiens, les petits mammifères ou encore les insectes. Mais les plus grosses espèces sont elles aussi fortement touchées : chevreuils, sangliers, renards, moutons, chèvres, chevaux, vaches… Tous peuvent être pris au piège. Les oiseaux, eux, ne fuient pas toujours : beaucoup se sacrifient en tentant de protéger leurs nids et leurs jeunes. Nous avons encore en mémoire un couple retrouvé allongé sur son nid, protégeant ses œufs… Le feu n’a malheureusement pas épargné cette famille entière.
La faune survivante existe, mais elle survit souvent avec des brûlures, une déshydratation sévère, une intoxication par les fumées, et sans abri ni ressources pour se nourrir. Les impacts sont massifs et durables sur les écosystèmes. C’est pourquoi nous restons présents bien après l’incendie : car ce sont les intoxications, invisibles mais redoutables, qui tuent le plus d’animaux après les flammes. Sans notre intervention, beaucoup n’auraient tout simplement aucune chance de survie.
Où sont recueillis les animaux sauvés ?
Partout en France, nous travaillons en réseau avec des centres de sauvegarde de la faune sauvage agréés et avec des vétérinaires partenaires. Nous construisons en amont des partenariats avec ces structures pour anticiper les crises et, à ce jour, nous sommes partenaires de neuf centres de soins. Côté vétérinaire, nous collaborons étroitement avec notre partenaire Vétérinaires pour la Biodiversité (VPB) et avons lancé l’initiative « 1 journée Véto WTP » : chaque vétérinaire volontaire s’engage à offrir une journée par an à nos côtés directement sur le terrain.
Une fois rétablis par les vétérinaires, les animaux sont transférés par nos équipes vers les centres de soins, puis relâchés dans leur milieu naturel, parfois après plusieurs mois de réhabilitation.
Quelles compétences faut-il pour devenir bénévole au sein de Wany the Pooh ?
Avant tout, de la motivation et un amour inconditionnel pour les animaux ! Pour le terrain, une excellente condition physique est indispensable, mais aussi une grande force psychologique : nos interventions sont très éprouvantes.
Une formation interne est obligatoire afin d’apprendre les gestes essentiels – capture sécurisée, recensement, gestion de crise, accompagnement psychologique, logistique, transport – ainsi que le respect strict des protocoles de sécurité établis avec les pompiers et la sécurité civile.
Chacun peut trouver sa place : sur le terrain, mais aussi en soutien logistique, en communication, en recensement scientifique ou dans bien d’autres missions. En revanche, le terrain est strictement interdit aux mineurs pour des raisons évidentes de sécurité.